L’Étranger

C’est avec une audace remarquable que François Ozon revisite l’adaptation cinématographique de L’Étranger, plongeant le spectateur dans une Algérie française envoûtante, magnifiée par un noir et blanc somptueux qui rappelle le charme désuet des années 30-40. 🌐Du logo Gaumont jusqu’à la dernière image, le choix esthétique n’est jamais gratuit : il entretient une atmosphère métaphysique, où chaque plan brille d’un éclat fiévreux, intensifiant les contrastes entre lumière aveuglante et ombre intérieure, comme pour illustrer la philosophie de l’absurde chère à Camus.

On traverse cette œuvre en apnée, oscillant tout d’abord dans une première partie lente – presque étouffante – où le temps semble suspendu, avant de voir la tension monter crescendo dans une seconde moitié plus dynamique. Le rythme du film évolue au gré des flashbacks, entre le passé avant le meurtre et le présent en prison ou au procès, dévoilant une mosaïque de souvenirs et de non-dits. Cet aller-retour entre souvenirs et jugement offre au récit un tragique particulier, et le long passage du procès, écho lointain à “Mon crime”, s’impose parmi les plus réussis du film⭐.

Benjamin Voisin, dans le rôle de Meursault, fascine immédiatement : son jeu tout en retenue, son corps impénétrable et sa voix monocorde, expriment magistralement l’apathie et l’étrangeté de ce personnage tant aimé par Camus. Son magnétisme rappelle celui d’un Delon, instaurant une tension glacée dans chaque scène, alors que la vacuité de ses émotions contraste avec la chaleur torride de l’Algérie. Les seconds rôles sont tout aussi marquants : Rebecca Marder ou Pierre Lottin, sans oublier Nicolas Vaude en procureur et Swann Arlaud en aumônier, dessinent les contours d’un microcosme humain ambivalent, où le racisme, la peine de mort ou la croyance en Dieu se heurtent à la philosophie de l’existence. Meursault traverse les épreuves, un regard perdu vers le soleil, et laisse derrière lui cette phrase qui résonne : “Rien n’a d’importance.”

Ozon propose une adaptation fidèle mais contemporaine, tout en injectant des éléments nouveaux : la question coloniale et la relation France-Algérie ne sont jamais cachées. Certains choix tranchés donnent une nouvelle épaisseur à la victime, qui acquiert une identité perdue dans le roman, pour mieux interroger la notion d’étranger et la violence systémique de l’époque.

🚬 Les cigarettes omniprésentes sont un signe de réalisme, mais m’ont toujours parues superflues : si l’époque le justifie, leur présence à l’écran n’apporte rien de plus, et je me demande si elles sont aussi présentes dans le roman (que je n’ai pas lu…)… 🤔

D’une durée de deux heures, cette fresque sensorielle nous laisse flotter dans le vertige, ébranlant nos certitudes sur la justice, la culpabilité et l’absurdité quotidienne. Ozon réussit là où tant d’autres auraient échoué, en maintenant une fidélité au texte tout en explorant le voyage dans le temps, le tragique du procès et la vanité de l’existence. Une adaptation magistrale, servie par une mise en scène superbe et des choix audacieux, qui marquent durablement le cinéma français 💫.

Sources :
https://lefigaro.fr/cinema/noir-et-blanc-fidelite-a-loeuvre-casting-les-cles-de-l-adaptation-somptueuse-de-l-etranger-d-albert-camus-par-francois-ozon-20251105
https://allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=305421.html
https://surimpressions.be/2025/10/27/letranger-francois-ozon/
https://cinema-palace.be/fr/film/letranger
https://femina.fr/article/l-etranger-pourquoi-le-film-de-francois-ozon-a-t-il-ete-tourne-en-noir-et-blanc
https://revuecommune.fr/2025/11/01/letranger-vraies-ou-fausses-audaces-de-francois-ozon/
https://leclaireur.fnac.com/article/317197-l-etranger-que-vaut-le-film-de-francois-ozon/
https://marie-celine.com/francois-ozon-a-ose-realiser-une-adaptation-de-letranger/
https://cinopsis.be/films/letranger/
https://inthemoodforcinema.com/2025/10/30/critique-letranger-de-francois-ozon/
https://focus.levif.be/culture/cinema/francois-ozon-revisite-letranger-de-camus-meursault-cest-camus/