Jean Valjean

“Jean Valjean” d’Éric Besnard est précisément cette origin story que laissait espérer sa promotion : un prélude au mythe des Misérables qui se concentre sur l’instant où l’ancien bagnard peut encore choisir quel homme il va devenir, quelque part entre l’ombre et la lumière. Pour un spectateur tel que moi qui n’a jamais lu le fameux roman « Les Misérables » de Victor Hugo, mais qui connaît un peu l’histoire, le film fonctionne comme une porte d’entrée accessible et émotionnellement très directe, tant il privilégie la trajectoire intime de cet homme brisé qui erre après sa sortie du bagne avant de trouver refuge chez l’évêque Bienvenu, sa sœur et leur servante. ✨​

Porté par Grégory Gadebois, le film repose presque entièrement sur la présence physique et intérieure de son Jean Valjean, un colosse fermé, pétri de colère et de rancœur, que la caméra accompagne au plus près, dans les silences comme dans les éclats de voix. Autour de lui, Bernard Campan impose une figure de Monseigneur Bienvenu d’une douceur simple, tandis qu’Isabelle Carré et Alexandra Lamy donnent aux scènes domestiques un naturel qui rend la bonté presque tangible, sans jamais sombrer dans le prêchi-prêcha. Difficile de ne pas saluer la superbe interprétation de tous les comédiens, d’autant que Besnard choisit une mise en scène dépouillée qui leur laisse tout l’espace pour incarner cette confrontation entre méfiance, honte et grâce inattendue. 🎭​

La mise en scène assume un rythme contemplatif qui pourra surprendre ceux qui s’attendent à l’ampleur romanesque habituelle de “Les Misérables”, mais qui colle parfaitement à ce projet de “monographie” centrée sur un moment clé. Besnard étire les scènes de dialogue, les non-dits autour de la table, les gestes du quotidien, et multiplie les plans de paysages silencieux où Valjean avance littéralement seul dans un monde gris, hostile, presque minéral, comme si le décor lui-même rejetait encore ce paria. Ce choix de respiration visuelle, entre nuits profondes et campagnes écrasées, renforce la dimension sensorielle du film et permet au spectateur de s’immerger dans la fatigue, la faim, la solitude de cet homme avant même que les mots ne viennent. 🌫️​

Tout l’enjeu dramatique repose sur un basculement intime : la manière dont l’accueil inconditionnel de l’évêque fissure peu à peu l’armure de Valjean, jusqu’au moment où le pardon, là où il attendait la condamnation, l’oblige à se regarder autrement. En se limitant aux premiers chapitres de l’œuvre, le film fait du choix moral – céder à la haine ou accepter la main tendue – son véritable climax, ce qui en fait une origin story moins spectaculaire que profondément émotionnelle, presque spirituelle sans être dogmatique. Besnard signe ainsi un drame sobre et lumineux, qui préfère la pudeur aux grandes tirades et laisse au spectateur le temps de ressentir la naissance d’un possible futur héros plutôt que d’en cocher déjà toutes les étapes héroïques. 💔➡️💡​

Si certains pourront trouver l’ensemble un peu sage ou trop resserré autour d’une seule nuit décisive, la cohérence du parti pris et la force émotionnelle du message – la possibilité pour un homme broyé par l’injustice de se réinventer grâce à un geste de pure humanité – emportent largement l’adhésion. Pour un public prêt à s’abandonner à ce rythme contemplatif, à ces dialogues qui prennent le temps et à ces paysages silencieux qui parlent autant que les mots, “Jean Valjean” apparaît comme une belle proposition de cinéma, à la fois accessible aux néophytes et respectueuse de l’esprit hugolien. On en ressort touché, avec le sentiment d’avoir assisté à la naissance, non pas d’un monument littéraire, mais d’un homme qui commence enfin à croire qu’une autre vie est possible. 💫.​

Sources :
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=1000012578.html
https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000147839.html
https://www.sortiraparis.com/loisirs/cinema/articles/323381-film-jean-valjean-2025
https://leclaireur.fnac.com/article/638808-jean-valjean-quelle-est-lhistoire-du-film-sur-le-heros-de-victor-hugo/
https://bullesdeculture.com/critique-jean-valjean-avis/