Le règne animal

Lors de sa sortie en salles je n’avais pas eu l’occasion de le voir, or il a été récemment diffusé sur France 2, ce qui m’a donné l’occasion de le rattraper. Dans Le Règne animal de Thomas Cailley, j’ai eu le sentiment permanent d’un film ambitieux mais frustrant, dont l’originalité ne va jamais aussi loin qu’elle le pourrait, malgré un univers de mutations humaines riche en potentiel et une durée de plus de deux heures. 😶‍🌫️​

Dès les premières scènes, la cigarette de Romain Duris m’a sauté aux yeux : ce tabagisme affiché, au volant notamment, n’est jamais intégré au propos, et ne fait que parasiter le personnage de François sans rien apporter au scénario, surtout dans un contexte contemporain où ce geste paraît presque anachronique. 🚬 Plus tard, quand Nina et Émile entrent dans l’histoire, j’ai ressenti un vrai décalage entre la finesse de certaines idées – la transformation progressive du fils, la place des « créatures » dans la société – et la banalité de cette clope qui traîne à l’écran comme un vieux réflexe de mise en scène, sans réel sous-texte ni critique.​ Évidemment aucune mention de la non-ingérence de l’industrie au générique de fin.

Le film m’a souvent plongé dans cette fameuse vallée de l’étrange (« uncanny valley ») : ces corps hybrides, ni pleinement humains ni totalement animaux, suscitent un malaise fascinant, mais aussi une forme de distance émotionnelle, comme si l’esthétique prenait parfois le pas sur l’incarnation. 😐 Les effets spéciaux sont pas trop mal, suffisamment crédibles pour porter la métaphore de la mutation, mais ce sont surtout les maquillages, très travaillés, qui m’ont impressionné et m’ont permis d’y croire, là où certains plans numériques montrent vite leurs limites. 🐺​

En parallèle, le travail sur les ambiances et la lumière m’a paru vraiment correct : la forêt, les intérieurs, les nuits troublées par les cris des créatures installent une atmosphère tangible, qui fait exister ce monde en crise sans surligner le propos. 🌲 Pourtant, le rythme lent finit par émousser cette immersion ; les scènes s’étirent, les silences se multiplient, comme si le montage se complaisait dans la contemplation au détriment de la tension. ⏳​

L’histoire elle-même se révèle assez prévisible par moments : la quête du père pour sauver la mère, l’initiation d’Émile, les conflits avec les autorités suivent des rails dramatiques déjà balisés, ce qui limite l’impact d’une idée de départ pourtant très forte. Le jeu des acteurs n’aide pas toujours : si Paul Kircher et Adèle Exarchopoulos trouvent par instants une belle justesse, j’ai trouvé que ce n’était pas toujours bien joué, avec quelques scènes forcées ou sur-dialoguées qui sortent du naturel recherché. 🎭​

Ce qui m’a le plus frustré, c’est l’absence de véritable résolution proposée : le film ouvre plusieurs pistes – sociale, écologique, politique, intime – mais aucune n’aboutit vraiment, comme si tout restait en suspens au moment même où les enjeux devraient se préciser. Dommage, car l’originalité de l’univers, cette France contaminée par une vague de transformations animales, méritait un regard plus tranché, qui assume un point de vue clair sur la peur de l’autre, l’exclusion ou l’évolution de l’humanité. 🤯​

Ce genre de « French fantasy » ou « French science-fiction », je ne sais pas comment l’appeler, m’a rappelé aussi Dans la brume, aussi avec Romain Duris. Je n’ai pas pu m’empêcher également de penser à District 9, qui poussait beaucoup plus loin la dimension politique et viscérale de son concept, là où Le Règne animal reste plus sage, plus contenu, presque timoré face à la radicalité que son sujet autoriserait. Cette impression de trop peu est d’autant plus marquée que le film fait plus de deux heures : au lieu d’explorer pleinement ses idées, il semble tourner autour, multiplier les prémices et les symboles sans jamais franchir le pas de l’embrasement narratif. 🙃​

Avec cette cote de 6/10, je garde l’image d’un objet singulier, parfois émouvant, porté par un vrai sens visuel mais plombé par son rythme lent, ses choix de mise en scène discutables (comme la cigarette trop présente) et cette structure éclatée qui laisse un goût d’inachevé. Le Règne animal reste un film à saluer pour son ambition et son originalité dans le paysage français, mais pour moi, il manque cette impulsion supplémentaire qui l’aurait fait basculer du « pas mal » au véritable choc de cinéma. 🐾​

Sources :
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=300678.html
https://www.allocine.fr/film/fichefilm-300678/casting/
https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000044550.html
https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000045128.html
https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=1000044584.html
https://www.reddit.com/r/CineSeries/comments/17f8yz4/dans_le_r%C3%A8gne_animal_pourquoi_le_personnage_de/
https://www.imdb.com/fr/title/tt16606592/
https://www.rayonvertcinema.org/le-regne-animal-thomas-cailley/
https://cineuropa.org/fr/newsdetail/442670/